Secours d’urgence aux personnes et aide médicale urgente : les sapeurs-pompiers de France dénoncent la fuite organisée d’un rapport partial et déconnecté des territoires
[COMMUNIQUÉ DE PRESSE] La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a découvert avec consternation, à travers sa publication le 7 décembre par l’agence Hospimédia, le contenu du Rapport d’évaluation de la mise en œuvre du référentiel sur le secours d’urgence aux personnes et l’aide médicale urgente, commandité à l’IGAS* et à l’IGA** par les ministres de la Santé et de l’Intérieur, pour propositions d’évolution.
* Inspection générale des affaires sociales (Ministère de la Santé et des Affaires sociales)
** Inspection générale de l’administration (Ministère de l'Intérieur)
Une méthode déplorable
Ce rapport a pour origine la volonté du Président de la République[1] de mettre en place des plateformes uniques de réception des appels d’urgence entre tous les acteurs publics (pompiers, police, gendarmerie, Samu) avec comme numéro unique le 112, numéro européen d’appel d’urgence[2].
Alors qu’il s’agit de transformer et de simplifier l’action publique, le choix de mandater une mission d’inspection conduit hélas, comme souvent, à une exacerbation des conservatismes et à des tentatives d’influence de l’opinion publique, par médias interposés, pour faire prévaloir des intérêts corporatistes.
Au moment où tous les esprits sont tournés vers la protection des populations face au contexte de violences de notre pays, la FNSPF déplore cette fuite par voie de presse d’un document qui ne lui a jamais été communiqué, et dont le ministre de l’Intérieur lui-même lui a indiqué le 28 novembre ne pas avoir pu encore en prendre connaissance, du fait de sa transmission récente. D’autres, manifestement, en disposaient !
Ce rapport est tout aussi inacceptable sur le fond, par son contenu partial et profondément défavorable aux sapeurs-pompiers, qui a conduit, fait rare, l’Inspecteur général de l’administration Philippe Sauzey, co-pilote de la mission, à refuser courageusement de le co-signer.
S’agissant de la simplification des numéros d’appel d’urgence
Les deux scénarios préconisés : le maintien des 13 numéros d'appels d'urgence existants avec « un pilotage resserré », ou la création ex nihilo de 7 plateformes suprarégionales 112 chargées de recevoir et transmettre les appels au service compétent, conduiraient, l’un comme l’autre, par nature ou par irréalisme budgétaire[3], à un statu quo inacceptable, à l’opposé de la volonté présidentielle et du besoin de simplification et d’efficacité ! Veut-on garder une organisation conduisant à ce qu’1 appel sur 6 au 15 (1 sur 2 à Paris) reste sans réponse, faute de décroché ?
Fait inacceptable, le rapport ignore l’option consistant à faire du 112 l’unique numéro d’urgence en s’appuyant sur les synergies de proximité et les expériences départementales réussies, comme le préconisent la FNSPF, l’Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF)[4].
S’agissant du Secours d’urgence aux personnes (SUAP) et de l’Aide médicale urgente (AMU)
Le rapport est biaisé et disqualifié d’emblée par deux postulats :
- L’absence de changement de cadre organisationnel : la loi AMU, vieille de 32 ans !
- Et l’intangibilité du principe de régulation « médicale » : un modèle unique dans le monde, inaccessible (les décisions n’étant pas prises par un médecin mais par des permanenciers auxiliaires de régulation médicale) et générateur de délais incompatibles avec l’urgence !
Ses 23 propositions placent le SUAP sous tutelle exclusive de la Santé, alors que les sapeurs-pompiers assurent seuls 95% de cette mission dans les territoires : les services d’incendie et de secours en sont les premiers acteurs et le ministre de l’Intérieur doit en être le pilote légitime.
Ainsi, les références réitérées du rapport à la Haute autorité de Santé (HAS) et aux sociétés savantes[5] heurtent les principes déontologiques élémentaires au regard des conflits d’intérêt ayant entaché en 2011 les recommandations édictées par la HAS et la SFMU[6] à propos de la régulation « médicale » et des protocoles infirmiers de soins d’urgence.
A l’heure de la télémédecine et de la raréfaction de la ressource médicale dans les territoires, il serait temps au contraire de permettre aux sapeurs-pompiers de ne plus être considérés comme de simples effecteurs et ainsi d’améliorer la réponse apportée à la population !
[1] Discours du 6 octobre 2017 de remerciements aux forces mobilisées sur les feux de forêt et ouragans.
[2] En place dans de nombreux autres pays : Espagne, Portugal, Luxembourg, Finlande, Suède…
[3] Entre 48 et 100 millions d’€ par an en fonctionnement
[4] Communiqué de presse AMUF - FNSPF du 13/09/2018 « Une perspective ouverte pour la modernisation des secours d’urgence ».
[5] Arbres décisionnels, départs réflexes, protocoles infirmiers de soins d’urgence nationaux.
[6] Société française de médecine d’urgence.
« Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers assurent seuls 95% des interventions de Secours d’urgence aux personnes. Ils doivent concevoir et piloter leur mission. Les désigner comme les secouristes du pauvre, c’est les mépriser. Et mépriser le droit de tous à la sécurité, au secours et à la solidarité »
Colonel Grégory ALLIONE président de la FNSPF.
Pour les Sapeurs-pompiers de France, ce rapport est donc nul et non avenu. Il ne saurait fonder la nécessaire transformation de la politique publique du Secours d’urgence aux personnes.
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