Urgence vitale pour le 112
Intégralité de La Tribune parue dans Le Monde le 10 mai 2021
Intégralité de La Tribune
La crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an confirme les nombreuses questions que pose notre système de soin, depuis ses moyens jusqu’à son organisation, en particulier en termes de gestion de l’urgence. La pression à laquelle font face les soignants, mais aussi les acteurs du secours, conduit à interroger notre mode de fonctionnement.
Cette situation ne va pas aller en s’améliorant. L’embolie qui touche et touchera les hôpitaux impacte aussi l’ensemble de la chaine de secours. Il y aura 30% d’octogénaires en plus et quinze millions de français atteints de maladies chroniques en 2030. Le problème dépasse amplement la crise Covid ; il est structurel, tangible et quotidien.
Cette congestion s’exprime particulièrement en première ligne, dans les services d’urgences et les centres 15, asphyxiés à chaque crise sanitaire. Il convient de tirer rapidement toutes les conséquences de la situation qui a vu le 15, désigné par le Gouvernement comme numéro de recours face au coronavirus, être malheureusement débordé par le flux d’appels et devenir injoignable au moment où il était investi d’une fonction nouvelle.
Au-delà de la crise, ce système de prise en charge des urgences est souvent dépassé, et devenu obsolète.
Le bon traitement des situations de détresse immédiate, et notamment l’arrêt cardiaque,suppose que l’ensemble de ces appels soient décrochés à une durée inférieure à 30 secondes selon les recommandations scientifiques actuelles. La persistance à maintenir un point d’entrée unique pour toutes les situations médicales sans distinction ne permet pas cette performance, nous en formons le constat chaque jour. L’objectif d’un décroché dans les 30 secondes ne serait réalisable qu’au prix d’une augmentation considérable de la ressource humaine des centres 15.
Les failles de notre système de secours découlent du choix d’orienter toutes les alertes de santé vers les urgences hospitalières. Alors que seuls 5% des appels au centre 15 concernent des situations d’urgence réelle, les urgences hospitalières sont devenues des dispensaires, les professionnels de santé de ville ont été désinvestis de leur rôle de premier recours, et les acteurs du secours, au premier rang desquels les sapeurs- pompiers volontaires, sont soumis à une pression opérationnelle pour des motifs non urgents.
C’est forts de notre connaissance des territoires et de leurs acteurs que nous appelons à une réforme de l’action publique visant à distinguer clairement l’urgent du non- urgent.
Ce que nous voulons affirmer aujourd’hui, c’est la nécessité criante de remettre à plat la manière dont est organisé notre système de secours. La multiplicité des numéros d’urgence, la coordination trop faible entre sapeurs-pompiers, SAMU et ambulanciers privés sont autant de spécificités françaises qui ont rendu notre système inefficient.
La mise en place d’un numéro unique d’appel d’urgence, le 112, est nécessaire et salutaire. Cette mesure de simplification permettrait de garantir une réponse rapide, proche et efficace à toutes les situations d’urgence, d’améliorer la coordination des services et d’optimiser l’usage des moyens. Il serait complété d’un numéro d’accès aux soins non urgents, le 116 117 par exemple qui est un numéro européen déjà utilisé par trois régions françaises, faisant ainsi passer les options de treize numéros d’urgence aujourd’hui disponibles en France à deux.
Cette mesure étudiée en France depuis 2004 a fait l’objet d’un engagement du président de la République dès 2017. La proposition de loi du député Fabien Matras, étudiée à l’Assemblée nationale dans les semaines qui viennent et signée par 500 députés de tous bords porte cette réforme. Elle permet justement de sortir des cloisonnements, ministériels ou administratifs, et des logiques corporatistes pour proposer à nos concitoyens une organisation efficace du secours d’urgence.
Nous demandons au président de la République de porter la réforme du numéro unique, le 112, pour transformer en profondeur le secours d’urgence aux personnes et garantir à nos concitoyens le meilleur traitement des situations de détresse.