Vieux continent... moderne
[MAGAZINE] Dans l'édito du magazine « Sapeurs-Pompiers de France Le Mag » daté juin 2019, Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, revient sur les enjeux européens de la sécurité civile.
L’Europe vient de se doter d’une nouvelle majorité. Je ne vais m’appesantir, ici, ni sur le résultat, ni sur le choix, qu’il ait été guidé par l’espoir, l’utile ou la contestation, ni sur une signification franco-française ou non de ce scrutin. Ce qui est intéressant, c’est que la mandature débute, avec devant elle cinq années de travaux. Parmi les chantiers qui seront les siens, avec leur impact dans les 28 États membres actuellement, nous savons tous que deux promettent de voir braquer sur eux les radars des sapeurs-pompiers : la désormais bien connue Directive européenne sur le temps de travail, la « DETT », et la coopération opérationnelle. La DETT – il y a 16 ans, faut-il le rappeler ? – avait pour ambition louable de protéger la santé des travailleurs en les prémunissant d’un excès d’activité. Une possible contamination aux sapeurs-pompiers volontaires, par l’application d’une jurisprudence aussi imprévue que délétère, venant à les assimiler à des « travailleurs », avec pour effet de les soumettre aux plafonds de durée du travail, les empêcherait d’exercer leur engagement citoyen au service de la collectivité, et constitue donc une menace majeure sur la ressource essentielle qu’ils constituent, dans notre pays et dans nombre d’États membres, pour la sécurité civile et la protection des populations. Inquiets, les sapeurs-pompiers de France ont très tôt poussé haut, fort et partout leur opposition et leur inquiétude, relayées par les élus. D’abord en « intra-hexagonal », comme l’ont montré les multiples motions se faisant l’écho unanime de désapprobation et de craintes : conseils d’administration de Sdis, conseils départementaux, parlementaires ou encore « Territoires unis » regroupant régions, départements et communes, pour m’en tenir à ces exemples. Ensuite, par-delà nos frontières, avec un « axe volontariat européen » qui, autour de la FNSPF, s’est constitué avec les fédérations de sapeurs-pompiers d’Allemagne, d’Autriche et des Pays-Bas, puis élargi au sein du CTIF*. Résultat ? Au nom du Gouvernement, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est publiquement engagé à porter auprès de la future Commission européenne la mise en chantier rapide d’une directive européenne spécifique pour protéger et promouvoir l’engagement civique et citoyen. Nombre de nos chefs de parti et de nouveaux eurodéputés ont exprimé leur soutien à cette démarche. Une victoire d’étape donc, dont la concrétisation par la nouvelle gouvernance européenne est attendue rapidement, sur la base de travaux préparatoires auxquels la FNSPF, avec ses partenaires, servira de contributrice et de stimulant. L’autre sujet de la sphère européenne qui nous concerne actuellement est directement opérationnel. Avec RescEU, l’Europe vient de renforcer le budget qu’elle consacre à la protection civile et de déployer une flotte de bombardiers d’eau grâce à la mise en commun de moyens de plusieurs États membres, dont la France. Cette force européenne de protection civile donne corps à l’esprit de solidarité interétatique qui a présidé à sa création. Elle est une nécessité opérationnelle face au défi du dérèglement climatique et une illustration bienvenue des valeurs de générosité et d’altruisme. Ces dernières sont au cœur de la civilisation et du projet européens, qui exigent de l’Union un cadre incitatif et protecteur pour le volontariat et le bénévolat de protection civile.