Chez les champions de l’extraction
[Magazine] J’ai suivi une équipe sur l’Extraction Challenge 2018. Un événement qui réunissait 19 équipes de sapeurs-pompiers français et trois équipes internationales venues de New York, Taïwan et du Pays de Galles.
À proximité du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines où se tient l’Extraction Challenge, le nombre de véhicules de sapeurs-pompiers m’indique que je suis arrivée à destination. Je suis vite dans le bain. Autour de moi des stands où l’on présente les nouveautés en matière de désincarcération et de sécurité.
Des sapeurs-pompiers regardent des chaussures de protection avec des yeux qui brillent. « C’est ce qui se fait de mieux en matière de confort », commente l’un d’eux. J’y vois une paire de godillots aussi esthétique qu’une paire d’après-ski, pesant 1 kg 100 chaque pied. « Les plus légères du marché », vante le commercial. Je récupère mon accréditation qui me permet de faire un premier tour dans le vélodrome où des équipes sont déjà en action. Autour d’eux, des sapeurs-pompiers, en tenue ou en civil, observent, commentent, encouragent, filment les interventions qu’ils diffusent sur les réseaux sociaux.
L’équipe du 77 est à l’œuvre sur l’épreuve dite longue, et j’entends des confrères s’inquiéter du tirage au sort qui ne les a pas gâtés. « Ils ont un cas vraiment compliqué. » D’autres comparent leur performance avec celle des champions du monde en titre. « Les Gallois ont été redoutablement efficaces. Mais ce n’est que notre deuxième participation, on va progresser. » À côté, l’équipe du Sdis 57 tente de sortir une victime d’un véhicule accidenté en 10 minutes. « Ils ont fait une erreur », peste un collègue.
À chaque fin d’épreuve, quel que soit le résultat, les observateurs applaudissent. Plus haut sur la piste, les cyclistes de l’équipe de France poursuivent leurs entraînements, imperturbables. Je me dis que s’ils venaient à se blesser aujourd’hui, ils seraient entre de bonnes mains. 9 h 30, je vais à la recherche de l’équipe des Ducks 84 qui a accepté de me laisser partager leur deuxième journée de compétition. Audrey Rousset, chargée de communication du Sdis 84, les attend. Une demi-heure plus tard, Alisson, Jean-Michel, Anthony, Jérémie, Martyal et leur chef d’équipe, Mathias, arrivent. Les Ducks, qui ont passé la veille l’épreuve rapide, se préparent pour celle consistant à dégager deux victimes d’un accident de la route en moins de 30 minutes.
À l’exception d’Alisson, sage-femme dans la vie et infirmière sur le challenge, tous sont des pompiers professionnels. « On n’a rien contre les volontaires, mais il faut consacrer beaucoup de temps aux entraînements et ce n’est pas facile pour eux », justifie Mathias. Tous ne viennent pas des mêmes casernes, mais se connaissent bien et ont déjà participé à plusieurs compétitions. « C’est un atout, souligne Mathias. Pour bien travailler, il faut bien se connaître. » Pas de pression apparente de l’équipe.
Résultats
Les Ducks se sont classés 9e en secours routier et 11e en SUAP. Le podium en SR est revenu à l’équipe 1 du 44, devant celles du 57 et du 86. En SUAP, les deux équipes du 44 ont raflé les deux premières places, devant le 86. Les trois équipes internationales étaient là pour des démonstrations et n’ont pas fait l’objet d’un classement. L’an prochain, les Ducks remettront cela, avec l’avantage de jouer à domicile, puisque c’est le Sdis 84 qui organisera le 4e Extraction Challenge dans la Cité des Papes.
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« Même si on ne fait pas d’étincelles, participer nous fera progresser », rappelle le leader à sa troupe. Direction le vestiaire pour les derniers préparatifs, avant d’aller vérifier le matériel qu’ils utiliseront pendant la compétition. Ils croisent une autre équipe qui leur souhaite bonne chance. L’ambiance entre compétiteurs est bon enfant. On commente les performances des deux équipes venues de Nantes. « c’est du haut niveau, ils sont bien partis pour une place au championnat du monde », assure Martyal.
Le juge international français, Laurent Dupont, vient saluer l’équipe, juste avant qu’elle ne se rende en salle d’isolement, le temps que leur scène d’accident soit installée. Nous sommes alors à 30 minutes de leur passage. Le compte à rebours de la compétition est lancé. Les Ducks s’échauffent, improvisent une séance de massage, puis Mathias rappelle les rôles de chacun et donne d’ultimes consignes : « On garde le même rythme qu’hier et on se fait plaisir. Le classement, on s’en fout. On fait comme on fait lors de nos interventions. » À quelques minutes d’entrer en scène, les gladiateurs d’un jour entonnent l’hymne provençal « La Coupo Santo ».
Cette fois, c’est l’heure. On vient les chercher. En les voyant partir une compétitrice commente : « On dirait qu’ils vont à l’échafaud. » Un collègue leur lance « merde ! » 12 h 05, ils découvrent leur épreuve : un accident entre deux véhicules, dont un couché latéralement dans lequel ils doivent libérer deux victimes. Mathias évalue et prend la direction des affaires. Derrière ça suit et ça exécute. L’équipe médicale parle aux victimes, les rassure, tandis que les techniciens essayent de dégager une sortie en manipulant la tôle. Quatre juges, dont un Portugais et un Irlandais, observent. Dans cette chorégraphie, chacun sait ce qu’il à faire.
Parmi les spectateurs, on commente : « Ils sont pas mal. » 24 minutes après le déclenchement du chrono, une première victime est sortie de la voiture. Il reste suffisamment de temps pour pouvoir sortir la deuxième espèrent les confrères venus les supporter. Mais l’équipe n’y parvient pas… Tant pis. Les Ducks se congratulent sous les applaudissements. Mathias annonce : « Il aurait fallu 5 minutes de plus ». L’équipe se rend en salle de « débrief » avec les juges. Pas moyen de les accompagner.
Pendant que j’attends leur retour, les voitures sont évacuées pour préparer l’épreuve de l’équipe suivante, deux véhicules l’un sur l’autre. « Ce n’est pas tous les jours qu’on voit ce genre de scène », s’amuse un spectateur. Renault a fourni plus de 70 véhicules qui ont été cabossés pour correspondre aux scenarios imaginés. De retour du « débrief », les Ducks semblent fatigués, mais contents de leur prestation. « On nous a dit des choses positives. » Demain, ils passeront leur troisième et dernière épreuve, le secours d’urgenceaux personnes (SUAP). Je laisse l’équipe aller se reposer. Je reprends la direction de Paris, en prenant soin d’éviter les véhicules qui circulent aux abords du vélodrome. Ce n’est pas parce que les sapeurs-pompiers ne sont pas loin qu’il faut risquer un accident.
Texte Valerie Chrzavzez
Photos Stéphane Gautier
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