Les relations SDIS/SAMU (encore) passées au crible
[Magazine] Les conclusions du rapport des Inspections générales de l’administration et des affaires sociales « Évaluation de la mise en œuvre du référentiel du secours d’urgence à personnes et de l’aide médicale urgente, et propositions d’évolutions » sont connues depuis décembre 2018. En 107 pages, les hauts fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et de la Santé ont dressé une analyse des relations et de la coopération SDIS/SAMU, ainsi que de l’application du référentiel commun secours d’urgences à personnes (SUAP) de 2008 et du rapport précédent de 2014 qui est également évalué.
[Numéro 1118 - Janvier 2019 ]
Parmi les préconisations les plus attendues : l’évolution possible dans l’organisation de la réception des appels d’urgence. Le sujet s’inscrivait dans le contexte de la volonté du chef de l’état exprimée le 6 octobre 2017 déclarant que « ce quinquennat doit être aussi l’occasion […] de mettre en place des plates-formes uniques de réception des appels d’urgence », mais également du drame de « l’affaire Naomi » intervenu en mai alors que les inspecteurs étaient saisis depuis janvier.
Dans une « optique d’amélioration du service rendu », le rapport compare quatre solutions possibles, en détaillant leurs points forts et points faibles : le maintien à trois numéros (15 - 17 - 18) ; la fusion du 17 et du 18 en 112 (en maintenant le 15), la fusion du 15 et du 18 en 112 (en maintenant le 17) et la fusion 15 - 17 - 18 en 112 avec plates-formes de premier niveau pouvant déclencher des départs-réflexes.
Conclusion ? La mission considère que les scénarios d’un 112 regroupant deux numéros d’urgence sur trois, quelle que soit la combinaison, « ne sont pas adaptés aux enjeux, voire présentent des risques ». En revanche, le rapport estime le maintien des numéros existants comme « compatible avec une amélioration du service à condition d’apaiser durablement les relations entre Sdis et Samu, de garantir une réponse homogène sur le territoire quel que soit le numéro composé et de mener à son terme un effort de modernisation ». Une première alternative en forme de statu quo, radicalement opposée à la seconde envisageable d’après le rapport qui consiste à fusionner les trois numéros sous le 112 qui serait « un puissant vecteur de simplification […] ». Bémol : ce chantier « respectueux des spécificités métiers » ne serait selon le rapport pas envisageable avant 2022 et coûterait 48 à 100 millions d’euros par an en fonctionnement.
Quoditien sur le terrain
Pour la pratique des interventions sur le terrain, le rapport souligne des difficultés en matière de régulation rapportées par les Sdis (difficultés à joindre le régulateur, sentiments de bilans insuffisamment pris en compte, faible utilisation d’Antares, contrairement à ce que prévoit le référentiel commun).
Il mentionne également une remontée de la part de Sdis faisant état « d’allongement des temps de transport liés à l’évolution de l’offre de soins » (comprenez par là fermetures de services d’urgence et de maternités) et de délais de prise en charge aux urgences qui peuvent affaiblir la couverture opérationnelle.
Les carences ambulancières sont également abordées. Même si elles ne représentent que 7 % des sorties VSAV (avec toutefois des pointes à 20 % dans certains départements), leur nombre reporté par les Samu a bondi de 51 % entre 2013 et 2017 et avec une indemnisation de 121 euros, qui est loin de correspondre au coût réel de la mission. Les Sdis estiment par ailleurs le nombre de ces carences 1,8 fois supérieur à celui déclaré par les Samu.
Vives protestations
Sans contester ces éléments de constat objectif, la FNSPF a tenu sur le fond à dénoncer ce rapport pour ses préconisations (communiqué de presse du 10 décembre 2018) le qualifiant de « partial et déconnecté des territoires ».
Pour la réception des appels, elle considère que la solution de conserver les numéros existants s’inscrit à l’opposé du besoin de simplification et d’efficacité, et de la volonté présidentielle. Quant à l’autre hypothèse préconisée de regrouper tous les numéros, elle dénonce « l’irréalisme budgétaire », déclarant « inacceptable que le rapport ignore l’option consistant à faire du 112 l’unique numéro d’urgence en s’appuyant sur les synergies de proximité et les expériences départementales réussies », vision par ailleurs partagée par l’Association des médecins urgentistes de France et l’Assemblée des départements de France.
Plus généralement, la FNSPF a tenu à dénoncer des propositions qui tendent à placer le secours d’urgence aux personnes sous tutelle exclusive de la Santé, alors que les Sdis assurent seuls 95 % de cette mission, ce qui en fait les premiers acteurs, avec donc pour pilote légitime le ministre de l’Intérieur, alors que le rapport préconise la désignation d’un délégué interministériel aux secours et soins d’urgence.
Elle considère par ailleurs que tenir pour acquis le principe de régulation médicale systématique prive ce rapport de réflexions nécessaires. La FNSPF n’a, enfin, pas manqué de relever la prolifération de références à la Haute Autorité de santé et aux sociétés savantes concernées, significative d’une objectivité douteuse, et que l’inspecteur général de l’administration, pour le ministère de l’Intérieur, a refusé de signer le rapport. Sur la forme, elle s’est par ailleurs déclarée consternée d’avoir découvert ce document par voie de presse et surprise de constater que le ministre de l’Intérieur n’en avait pas connaissance. De quoi engager le pronostic vital du rapport ?
Par Dominique Verlet