La réponse graduée secouriste, paramédicale et médicale : Maillon essentiel et intangible de la prise en charge des urgences vitales.

Santé - Le 14 février 2024

Alors que l’augmentation continue de l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers, composée à plus de 80% d’interventions pour secours d’urgence aux personnes, met sans cesse davantage sous pression les ressources des SDIS et contraint toujours plus leurs budgets, la FNSPF rappelle le rôle essentiel et intangible de la réponse graduée secouriste, paramédicale et médicale dans la prise en charge des urgences vitales des populations qu’elle invite par conséquent à sanctuariser au profit d’autres réponses, organisationnelles et financières.

Comme le révèlent les statistiques du ministère de l’intérieur, l’activité opérationnelle des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) poursuit sa forte trajectoire inflationniste. 

Avec près de 5 millions en 2022, le nombre d’interventions connaît une progression de +6%, intégralement imputable à l’augmentation du secours d’urgence aux personnes (SUAP).

Si l’on se place dans une perspective de moyen terme, la tendance est encore plus spectaculaire : avec une augmentation supérieure à 75% depuis 2002, le SUAP occupe aujourd’hui une part prépondérante dans la structure des missions des SDIS : plus de 80%, contre 59% il y a 22 ans.

 

Cette progression continue, qui met chaque année un peu plus sous tension les moyens humains et matériels ainsi que les budgets des SDIS, est la résultante d’un double phénomène :

-       L’efficacité de la réponse opérationnelle à la demande de SUAP mise en place par les sapeurs-pompiers ;

-       La progression continue et inquiétante des sur-sollicitations non-urgentes (missions médico-sociales d’assistance aux personnes et de transport sanitaire par carence des acteurs publics ou privés normalement compétents) adressées aux SDIS, qui représentent désormais 25% du secours aux personnes.

 

La contention de ces missions non-urgentes, sources de perte de sens et démotivation pour les sapeurs-pompiers et d’asphyxie budgétaire pour les collectivités territoriales (départements, bloc communal) chargées du financement des SDIS devient donc un sujet majeur et prioritaire.

 

En témoigne l’initiative récente de M. Olivier RICHEFOU, président du Département, du SDIS de la Mayenne et de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) d’adresser une facture de 100 000 euros aux hôpitaux de ce département par refus que les SDIS aient à payer les défaillances du système de santé.

 

Cette préoccupation légitime et partagée par les sapeurs-pompiers de recherche d’économies et de ressources nouvelles pour faire face à cette inflation de l’activité opérationnelle, accentuée par les effets croissants du dérèglement climatique, ne doit cependant pas conduire à affecter les fondements mêmes de l’efficacité de la réponse des SDIS à la demande de SUAP des populations.

 

Progressivement mise en place au fil des ans, cette chaîne des secours repose sur un continuum conjuguant de manière graduée la réponse secouriste au plus près des victimes, la réponse paramédicale apportée par les infirmiers de sapeurs-pompiers (ISP) et la réponse médicale aux missions de secours d’urgence et à l’aide médicale urgente.

Cette réponse a été renforcée par le législateur en 2021 avec l’autorisation donnée par la loi Matras[1] aux sapeurs-pompiers de pratiquer, moyennant formation par leur service de santé et de secours médical (SSSM), une première série de gestes de soins d’urgence, laquelle permet leur montée en compétence et fait des secours et soins d’urgence aux personnes (SSUAP) leur cœur de missions.

 

Grâce aux pratiques professionnelles développées depuis une trentaine d’années à travers le déploiement de 741 véhicules légers infirmiers (VLI) dans les territoires, principalement dans les zones blanches, et le recours généralisé aux protocoles infirmiers de soins d’urgence (PISU), les quelque 8 000 infirmiers de sapeurs-pompiers sont au cœur de cette réponse aux secours d’urgence, avec 74 234 interventions paramédicales en 2022.

 

Longtemps réticent, le ministère de la Santé a reconnu récemment la pertinence de cette organisation à travers la création depuis un peu plus d’un an d’unités médicales hospitalières paramédicalisées (UMH-P) et d’infirmiers correspondants du SAMU.

 

L’efficacité de cette réponse graduée est pareillement démontrée par les faits : en effet, une récente étude sur l’accident cardiorespiratoire (ACR) adulte, menée dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais et présentée le 13 décembre 2023 lors des Assises nationales santé, secours et territoires à Arras, démontre que le taux de reprise d’une activité cardiaque spontanée, de 16,62% de la population échantillonnée en cas de prise en charge par un équipage VSAV et un équipage SMUR, s’élève à 20,34% en cas d’intervention intermédiaire d’une VLI ISP. 

 

L’autorisation de la pratique d’actes de soins d’urgence doit donc conduire à augmenter le sens clinique des infirmiers de sapeurs-pompiers et à développer leurs gestes techniques pour upgrader leurs prises en charge au regard des avancées technologiques (télémédecine…) et des formations suivies (PHTLS, ACLS…) et tendre vers des stratégies de prise en charge, qui sont des évolutions attendues dans le cadre de leurs futurs décrets d’actes et de compétences.

 

Alors que plus de 6 millions d’habitants, situés pour les trois quarts en milieu rural, vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence, la raison commande de renforcer et non d’altérer la réponse graduée des sapeurs-pompiers aux secours d’urgence.

 

Cette mise en œuvre de la réponse graduée, et particulièrement de la médicalisation et de la paramédicalisation des secours, n’est pas incompatible avec la contention de l’inflation opérationnelle et la limitation des coûts liés au SSUAP. Oui, des solutions doivent certainement être trouvées pour accompagner l’aggravation du coût du SSUAP pour les SDIS et éviter leur asphyxie budgétaire.

 

Ces pistes d’économies s’attachent notamment à la réduction des missions non urgentes, au moyen du perfectionnement du traitement de l’alerte, ainsi qu’à l’identification et l’indemnisation des missions réalisées par carence d’ambulance privée.

C’est en disposant de l’expertise des professionnels de santé qui participent à la médicalisation et à la paramédicalisation du SSUAP que les SDIS sont en mesure de conduire ces actions.

Ce n’est donc pas dans le haut du spectre opérationnel que les économies peuvent durablement être trouvées mais bien en développant l’expertise médicale des SDIS et en recentrant ses missions sur les sur les situations de détresse.

 

 

 

L’intérêt de l’action publique invite donc à  les  rechercher sur le plan organisationnel (complémentarité des moyens des SDIS et de l’hôpital, évolution de la régulation médicale pour améliorer le degré d’engagement des sapeurs-pompiers, intérêt des plateformes uniques pour rationaliser ce dernier) et financier (réforme du financement des SDIS et évolution vers une plus grande « sanitarisation » de leurs ressources) plutôt qu’à travers une amputation de la réponse graduée aux effets financièrement limités et opérationnellement délétères. 

 

[1] Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

Communiqué de presse

Télécharger pdf - 152.87 Ko


Partager cet article :