FLASH INFO N°1 - Attaques contre le volontariat : qui veut la fin de l'engagement citoyen et du modèle français de secours ?
La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) dénonce les attaques en règle successives dont est l’objet depuis une semaine, avec nombre de reprises médiatiques, le modèle français de secours, dont l’engagement citoyen altruiste de sapeur-pompier volontaire constitue le pilier, lesquels représentent 79% des effectifs et effectuent 67% du temps d’intervention.
Le 14 février, la presse se faisait l’écho de la publication d’une décision du comité européen des droits sociaux, organe du Conseil de l’Europe[1], saisi il y a cinq ans par le syndicat Sud Sdis, connu pour son combat contre le volontariat, estimant que la situation juridique des sapeurs-pompiers volontaires (SPV) méconnaît la Charte sociale européenne.
Par cette décision, ce comité d’experts assimile les SPV à des « travailleurs » et estime qu’ils sont victimes d’un traitement discriminatoire en matière d’indemnisation et de temps de travail et condamne l’implication de sapeurs-pompiers âgés de 16 à 18 ans dans les opérations de lutte contre l’incendie.
La légitimité d’une organisation syndicale de sapeurs-pompiers professionnels à défendre les droits sociaux des sapeurs-pompiers volontaires interroge tout particulièrement.
Tout comme le bien-fondé de la motivation de cette décision : alors que la sécurité civile est une prérogative des Etats pour laquelle l’Europe ne dispose que d’une compétence de soutien, celle-ci méconnaît totalement les dispositions de la loi française du 20 juillet 2011[2] adoptée à l’unanimité par le Parlement après avis du Conseil d’Etat, qui dispose clairement que « l’activité de SPV, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres » (art. L 723-5 du code de la sécurité intérieure-CSI) et que « ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables » (art. L 723-8 du CSI).
Enfin, l’occultation totale du caractère non exécutoire et non contraignant de cette décision traduit une volonté manifeste de faire pression sur les pouvoirs publics et les autorités de gouvernance des services d’incendie et de secours (SIS) pour remettre en cause notre modèle de sécurité civile basé sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
Cette volonté d’atteinte au volontariat et de déstabilisation de notre modèle de sécurité civile transparaît de la fuite concomitante organisée, avec force écho de presses, du rapport des Inspections générales de l’administration (IGA) et de la sécurité civile (IGSC) sur l’activité des SPV.
Alors que la règle communément observée veut que la diffusion de ce type de rapport et a fortiori la mise en œuvre de ses préconisations relèvent de la décision politique du seul ministre de l’Intérieur, la FNSPF s’étonne de la transgression de cet usage et de la circulation de présentations de ce rapport aussi alarmantes que polémiques et biaisées depuis plusieurs jours dans certains médias.
Alors même que seules les principales orientations de ce document ont été présentées le 17 janvier au Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV), unique organe chargé d’éclairer le Gouvernement, les collectivités territoriales et leurs établissements publics dans la définition et la conduite des politiques publiques visant à pérenniser et développer le volontariat dans les services d'incendie et de secours, sans que ses membres se départissent de la confidentialité de ces éléments dans l’attente de la décision du Ministre, la FNSPF estime troublante et scandaleuse la divulgation de ce rapport.
Tout comme sa transmission par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à la FNSPF, seule représentante des SPV le 21 février, deux jours après sa présentation aux organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels !
La diffusion par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) d’instructions aux directeurs de SDIS leur demandant d’élaborer, en lien avec les préfets et sans mention des élus financeurs, des plans de réduction de la vulnérabilité du volontariat à la DETT[3], sans arbitrage politique du ministre quant à une modification du cadre juridique de l’activité de SPV, interroge tout autant.
Pourquoi une telle précipitation ?
Pourquoi une telle évolution à marche forcée vers une adaptation de l’organisation des SIS susceptible, sur le modèle belge, d’aboutir à une réponse opérationnelle à la fois moins efficace et plus coûteuse pour nos concitoyens ?
Pourquoi se soustraire des groupes de concertation annoncés pour envisager les évolutions du cadre réglementaire, au sein desquels la place des « organisations syndicales » au même niveau que les « autorités de gouvernance » et les « représentants du volontariat » (sic !) interpelle tout particulièrement ?
Ces signaux sont d’autant plus inquiétants qu’ils viennent s’ajouter à l’attente persistante d’une déclinaison réglementaire d’une bonification retraite en reconnaissance de l’engagement altruiste des sapeurs-pompiers volontaire, voulue par les parlementaires et inscrite dans la loi d’avril dernier.
La version initiale du projet de texte ayant été unanimement perçue comme insatisfaisante et contraire aux engagements politiques tant du Président de la République que du Parlement, les discussions interministérielles ont été rouvertes à la demande du ministre de l’Intérieur et après arbitrage du Premier ministre. De très nombreux parlementaires, alertés par le réseau fédéral, l’ont rappelé au Gouvernement à de maintes reprises et avec insistance.
Une réunion est prévue le 27 février avec le cabinet du Premier Ministre. La FNSPF y rappellera avec force les attentes des SPV et veillera à ce que cette bonification de trimestres bénéficie effectivement à tous les SPV, dès 10 ans d’engagement et ce quelque que puisse être le déroulé de leur carrière professionnelle.
Tout comme elle exprimera dans les prochains jours à Gérald Darmanin le besoin urgent de rassurer les sapeurs-pompiers et de clarifier les intentions du Gouvernement sur la trajectoire qu’il entend suivre, aux niveaux national et européen, tant pour développer l’engagement citoyen altruiste, socle des secours de proximité et de la résilience des territoires face aux crises, que pour réarmer notre modèle de sécurité civile face au risque de rupture capacitaire résultant des évolutions du contrat opérationnel.
[1] Organisation distincte de l’Union européenne.
[2] Loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.
[3] Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.