CIS Breteuil-sur-Iton, entre mixité et parité
[Magazine] Dans le sud de l’Eure, le petit village normand de Breteuil-sur-Iton montre l’exemple. Fini le temps où le centre de secours peinait à assurer ses départs en journée. Changement d’ambiance, section dynamique de jeunes sapeurs-pompiers (JSP), femmes à l’effectif, gestion individualisée de disponibilité, la recette est simple et efficace.
Texte et photos Patrick Forget
A l’heure où le secours d'urgence à personnes (SUAP) prend de plus en plus d’importance dans l’activité des sapeurs-pompiers, les femmes apportent un nouveau souffle au volontariat. Si le feu fait encore rêver bon nombre de sapeurs-pompiers, l’arrivée des femmes change la donne. Pour elles, le « pompier héros » ne fait pas recette. Bien au contraire, c’est la volonté de porter secours à autrui qui porte leur engagement. En constante augmentation, elles représentent 16 % de l’effectif national, 20 % dans le département de l’Eure. Début 2018, le centre d'incendie et de secours (CIS) de Breteuil-sur-Iton a même atteint la parité avec 17 femmes pour autant d’hommes. Le chef de centre a bien compris l’intérêt de ce nouveau vivier. « Une femme en intervention rassure, elle apaise le dialogue. Pour les violences conjugales ou les accouchements, c’est plus simple. L’homme se met une carapace, alors qu’à l’inverse, la femme va au contact, prend la personne dans ses bras. Elle est plus sensible. Dans la mesure du possible, j’essaye de faire partir des équipages mixtes, c’est l’idéal ! »
Une garde souple, à la carte
En 2008, quand le capitaine Stéphane Bloquel reprend les commandes, le centre de secours s’essouffle. À l’époque, il assure tout de même près de 750 départs, mais en journée, il est régulièrement fermé par manque de personnel. Originaire du village, passionnément volontaire, le nouveau chef de centre veut « de la vie » à la caserne, pas simplement un endroit où l’on se change avant de monter dans l’engin. Il invite chacun à se rendre disponible le plus souvent possible. «Je pars du principe que le chef doit être présent matin, midi et soir et surtout après 18 heures, le moment idéal pour rencontrer les volontaires. Au départ, j’ai demandé au personnel de se rendre disponible, même pour deux heures. Nous avons un outil performant de gestion individualisée centralisée avec de petites tranches horaires. Je suis attentif à l’équilibre et au bien-être de chacun. Si les couples ont des enfants, je suis vigilant sur les tours de garde pour ménager la vie de famille. Je prévois toujours deux ou trois SPV “volants“ pour les remplacements ou les imprévus.»
Un lieu de vie, aussi pour les femmes !
Rapidement, le foyer, fraîchement rénové, devient un lieu de partage et d’échanges. Le bouche-à-oreille aidant, l’atmosphère conviviale attire de nouvelles recrues. Stéphane relance la section de JSP. Et là, surprise ! Les filles sont aussi nombreuses que les garçons, leur motivation est exemplaire. Au départ, Stéphane n’est pas franchement féministe. C’est même un peu le contraire quand il refuse d’intégrer sa propre fille dans une section qui accueille déjà son fils. Pourtant, beaucoup d’entre elles prennent un engagement volontaire. Au fil des ans, l’effectif se féminise. Des couples se forment, le lien avec la caserne se resserre encore. Ici, pas de différence entre les sexes, un VSAV peut partir avec un équipage entièrement féminin. Elles aiment particulièrement le social. L’ambulance est leur engin de prédilection. Complètement volontaire, le centre de secours de Breteuil compte 16 femmes et 20 hommes, avec une moyenne d’âge d’à peine 30 ans. Le CIS abrite une vraie tribu, composée de six couples de sapeurs-pompiers et une dizaine de volontaires de la même famille. Avec huit personnes à la garde, même en pleine journée, le centre assure plus de 1 100 interventions, et davantage en 2019 en comptabilisant les 500 liées aux inondations. Aujourd’hui, tous les départs sont assurés ou alors, l’unique VSAV est déjà de sortie. Voici un exemple de mixité où le machisme n’a plus sa place.
Cindy Morérod, 30 ans, sapeur-pompier volontaire depuis cinq ans après un passage de jeune sapeur-pompier au collège de Saint-André-de-l’Eure, mariée à un sapeur-pompier du centre. «Auparavant, je prenais des gardes avec mon mari en soirée et le week-end. Avec l’arrivée de notre petite fille, nous sommes passés à l’alternance en semaine. Pour ma part, j’ai assisté deux accouchements à domicile. C’est rassurant pour la maman, pour son intimité.»
Charline Boublet, 32 ans, secrétaire dans un centre médico-social, SPV depuis 16 ans après cinq ans de JSP. «On ne va pas se mentir, aujourd’hui, les trois quarts des interventions ont un caractère social. Bien souvent, les personnes sont plus touchées moralement que physiquement. Le dialogue et la médiation sont plus faciles entre femmes. Moi, je préfère partir en équipage mixte car la présence d’un homme impose une autre prestance.»
Lowem Augeray, 23 ans, SPV depuis six ans, aide-soignante, mariée, un enfant, et chargée de communication à l’UD 27. «J’ai préparé mon dossier de formation initiale contre l’avis de mon père qui est aussi le chef de centre. Aujourd’hui, il est fier de moi mais à l’époque, il ne voulait pas que j’intègre les JSP, contrairement à mon frère. Depuis, les choses ont bien changé, homme ou femme, toute ma famille à un lien direct avec les sapeurs-pompiers.»
Gaëlle Coeugniet, 40 ans, SPV depuis deux ans, militaire auxiliaire sanitaire à la BA 105 d’Évreux. Mère de quatre enfants, elle prend des gardes le soir et un week-end par mois. «J’adore le secourisme. Moi, clairement, ma passion c’est le VSAV ! Mon mari m’a accompagnée dans ma démarche et quand je pars, il prend le relais avec les enfants. À la caserne, j’ai vraiment ma place. Comme avec cette femme agressée par son conjoint : c’était plus facile pour elle de se confier à moi.»