Attractivité : s’ouvrir autrement sur l’extérieur
[MAGAZINE] A l’heure où le secours d’urgence aux personnes (SUAP) représente 84% de leurs interventions, il est urgent pour les sapeurs-pompiers de diversifier les profils de recrutement et d’améliorer leur attractivité.
Ne pas vouloir recruter une jeune femme à la silhouette avantageuse parce qu’elle serait susceptible de semer la zizanie au sein de la caserne ou bien un jeune homme qui porte la barbe, ou encore une mère de famille très diplômée et peu sportive, autant de clichés qui ont été battus en brèche en préambule de la rencontre de ce jeudi 19 septembre 2019 au Congrès national des sapeurs-pompiers portant sur «l’attractivité de nos métiers et de l’activité de sapeur-pompier volontaire». Quatre sapeurs-pompiers ont en effet joué une scénette inspirée de l’émission «The Voice» dans laquelle ils ont fait passer un casting à l’aveugle à plusieurs candidats. Malgré la grande motivation dont témoignaient cette jeune femme, l’homme à la barbe drue et la mère de famille, les réflexions fusaient sur scène au sujet de leurs profils visiblement pas assez conformes aux attentes de ces recruteurs virtuels. Une manière pour les comédiens d’amorcer une critique sur les stéréotypes en vigueur lors de fréquentes sessions de recrutement et les carcans qui empêchent encore trop souvent de diversifier les profils.
Féminiser et diversifier les profils
Première voie de diversification des profils: la féminisation des effectifs de sapeurs-pompiers. Comment réussir dans de bonnes conditions la mixité hommes/femmes au sein des Sdis ? La rencontre a donné l’occasion aux représentants des Sdis de Haute-Garonne et des Deux-Sèvres de présenter leurs retours d’expérience positifs à ce sujet. En Haute-Garonne, un plan d’action volontariste a ainsi été mis en œuvre autour de cinq axes. Premier d’entre eux, indiqué par Laetitia Chartrain: promouvoir cette nécessaire égalité femmes/hommes ; ensuite accueillir les personnels féminins comme il se doit, en adaptant les casernements, ou encore en facilitant les gardes d’enfant. Troisième axe: recruter, fidéliser et faire progresser les SP féminins pour que ces personnels ne se heurtent pas à un plafond de verre. Mais aussi les représenter et les défendre contre des comportements malveillants. Pour mettre en lumière ce plan d’action, les autorités du Sdis 31 ont profité cette année de la Journée internationale des droits de la femme pour monter des gardes 100% féminines dans plusieurs centres d’incendie et de secours du département. De 7h à 7h, durant 24h, des personnels féminins ont assuré les départs VSAV, suivi les séances de sport ou effectué les exercices de désincarcération. De quoi porter un nouveau regard sur cette féminisation des effectifs, qui sera amplement discutée lors du premier colloque sur l’égalité homme/femme au sein des Sdis qui aura lieu les 12 et 13 mars 2020 à Toulouse.
La directrice adjointe du Sdis des Deux-Sèvres, Anne Lamaire, a, quant à elle, précisé en quoi «la féminisation est un enjeu de management pour la modernisation des Sdis». Objectif de ce département: atteindre prochainement 30% des effectifs en personnels féminins et deux quinquennats en engagement moyen. Un questionnaire a été envoyé aux 268 SP féminins du département pour aider à renforcer cette mixité. Une réponse forte qui ressort de ce questionnaire: l’élément familial est constamment mis en avant dans ce qu’il faudrait mieux prendre en compte pour améliorer la disponibilité des personnels féminins. Reprenant l’intégralité des réponses à ce questionnaire, le «Manifeste des 268 femmes SP des Deux-Sèvres» a été remis au président Allione ce jeudi 19 septembre 2019.
Renforcer l’attractivité
La deuxième grande partie de la rencontre du jour a consisté à développer la notion de «marque employeur» de SP, et de comprendre en quoi elle constitue un enjeu stratégique. Ce sont deux membres de l’association Atraksis, Sylvain Wdowick, SP du Sdis 77, et Julien Fischer, SP du Sdis 03, qui s’en sont chargés. Leur idée est de dire que les sapeurs-pompiers sont partie prenante d’une «guerre des talents», avec un grand nombre de personnes (notamment chez les jeunes) qui sont désireuses de s’engager dans des organisations à valeurs fortes, en concurrence entre elles pour les recruter. Or, les analyses ont tendance à montrer que le chemin pour poser sa candidature chez les sapeurs-pompiers est beaucoup plus incertain et sinueux que celui pour la gendarmerie, la police ou l’armée. En particulier, par exemple, pour obtenir des informations claires et nettes sur la manière de postuler et les conditions de travail. Autrement dit, consolider la marque employeur SP représente plus que de la communication pour gagner en attractivité: c’est faire en sorte de gagner la guerre des talents, de diversifier les profils et de fidéliser les nouvelles recrues.
Un travail de terrain mis en valeur
La troisième partie de la rencontre concernait les jeunes sapeurs-pompiers (JSP). Avec comme sujet de discussion: «Peut-on les accompagner vers un avenir professionnel ?» Le lieutenant-colonel Florence Rabat, chargée notamment de la jeunesse au sein du comité exécutif de la FNSPF, a rappelé combien les JSP acquièrent de très utiles savoir-être et de savoir-faire durant leur parcours dans les centres d’incendie et de secours. A l’image de l’initiative menée en Dordogne pour aider 17 jeunes titulaires du brevet JSP à suivre une formation d’une semaine pendant les vacances scolaires afin d’obtenir le SSIAP1, il faut continuer à mieux valoriser leurs compétences. Car avec ce sésame SSIAP1 en poche, c’est l’entrée dans la vie professionnelle au sein des métiers de la sécurité qui est ainsi assurée pour celles et ceux qui le veulent. Autre exemple concret: Mickaël Paccaud, président de l’ADMJSP, a évoqué le partenariat impulsé par GRDF pour former au bac pro et embaucher en CDI plusieurs dizaines de JSP de «techniciens gaz» dans les prochains mois.
Pour faire la synthèse de ces riches échanges, plusieurs personnalités se sont rassemblées sur la scène : Céline Guilbert, vice-présidente de la FNSPF, chargée du développement des compétences, des profils et de l’innovation ; Pierre Morel-A-L’Huissier, député de la Lozère; Michel Marquer, adjoint du directeur général de la DGSCGC; Mireille Larrède, sous-directrice de la doctrine et des ressources humaines à la DGSCGC. «La Fédération fait œuvre utile en nous montrant qu’il y a des expériences, et on est là à l’Assemblée nationale pour essayer de traduire tout cela d’un point de vue juridique», a souligné le député Morel-A-L’Huissier. Et Céline Guilbert s’est félicitée, quant à elle, des avancées sur lesquelles débouchent les actions fédérales, à l’image du «Plan d’action égalité femmes-hommes» qui était l’aboutissement d’un groupe de travail piloté par la DGSCGC et co-animé par la Fédération nationale. On voit tout le chemin qui a été parcouru. «Si on fait le bilan: nous étions 35.000 en 2016; nous sommes presque 40.000 aujourd’hui. Bravo pour tout le travail qui a été fait sur le terrain!»
Texte : Hugues Demeude
Photos : Stéphane Gautier
Vidéo : le replay de la rencontre "L'attractivité de nos métiers et de l'activité de sapeur-pompier volontaire"
Jeudi 19 septembre 2019 au congrès national des sapeurs-pompiers de France, à Vannes (56), en salle plénière.