La formation au pilotage de drones prend son envol
[Magazine] Pas un journal télévisé ou un magazine dans lequel on ne trouve pas d’images tournées par des drones. Pas un salon high-tech ou aéronautique qui ne vante les nouvelles applications, élargissant le champ du possible de ces drôles de machines volantes dans de nombreux domaines, comme la sécurité des biens et des personnes. L'Ecole d'application de sécurité civile (ECASC) l'a bien compris, et lance une formation de télépilote de drone.
Si les forces de police et de gendarmerie ont bien compris les avantages de l’usage des drones en matière de maintien de l’ordre, de surveillance et de sécurité routière, l’utilisation des quadricoptères et voilures fixes pour des missions sapeurs-pompiers en est encore à ses balbutiements – à part dans certains Sdis, comme le 13, 30 ou 77 –. Sensibles aux services que peuvent rendre ces machines, tant au point de vue de la prévention des risques que de l’évaluation de sinistres ou situations de crise, certains services d’incendie hésitent encore à franchir le pas. Problème de choix des appareils, absence de doctrine nationale,mauvaise lecture de la réglementation spécifique, absence de stages et formations dédiés à cette spécialité naissante sont autant de freins au développement du vecteur aérien drone. Fallait-il laisser des organismes privés s’engouffrer dans le créneau de la formation, alors qu’au sein des personnels de la sécurité civile, les compétences et les outils existent ? Dans la dynamique du groupe de réflexion « drone » initié par la DGSCGC au printemps dernier, le commandant Biscay, chef du centre euro-méditerranéen de simulation des risques (CESIR) à Valabre décide de lancer une formation nationale de « Télépilote drone de Sécurité civile ».
Première session de formation
La première session s’est déroulée du 19 au 30 mars 2018 au sein du Simulateur d’entraînement à la coordination des opérations aériennes (SECOAS), sur la base nationale de sécurité civile fraîchement implantée sur l’aéroport de Nîmes-Garons. Logés dans un bâtiment flambant neuf, dotés de simulateurs dernier cri sur lesquels s’entraînent déjà les pilotes de bombardiers d'eau et ceux des Dragons, les 12 stagiaires, originaires du syndicat mixte de l'Argens (Var), des Sdis 64, 59, 77 et 972, ainsi que de l’UIISC 7, ont bénéficié de 15 jours de formation intensive organisés selon trois axes : réglementaire, simulation de vol et simulation thématique. Une partie théorique est destinée à préparer le passage du brevet « théorique ULM », prérequis pour obtenir auprès de la DGAC le sésame autorisant le pilotage d’un drone. Cet examen sera d’ailleurs revisité et mieux adapté aux drones, dès le mois de juillet. Des sapeurs-pompiers des Sdis 13, 34 et 30, pour la plupart pilotes d’avion, de drone, et instructeurs passionnés et passionnants, ont réalisé la prouesse d’initier et d’intéresser les futurs télépilotes profanes aux joies de l’aéronautique dans des domaines aussi variés que la mécanique des vols, les règles aéronautiques, la météo, l’aérologie, etc. Ces cours étaient ponctués de questionnaires à choix multiples semblables à ceux de l’examen, permettant aux formateurs et aux stagiaires d’apprécier leur niveau de compréhension et de progression.
Témoignage
Bastien Guerche, apprenti en communication au sein de la DGSCGC, SPV au CIS de Neuillé-Pont-Pierre (37)
« Avant le stage, il était important d'apprendre les bases (plus de 460 pages) pour la préparation du brevet théorique de pilote d’ULM, en révisant les cours dispensés par nos formateurs et en s’exerçant aux QCM de sites spécialisés. Même si je pilote déjà mon propre drone depuis plus d’un an, j’ai beaucoup progressé. Les conseils dispensés m’ont permis de fluidifier les mouvements en vol, rendant la lecture des images plus faciles pour le COS. Les cours de réglementation aéronautique et les vidéos des Retex d’interventions avec l’usage d’un drone m’ont apporté de précieux conseils pour voler en toute légalité, régularité et sécurité sur une intervention. L’apprentissage du vol d’évaluation à partir de cas concrets (attentats, inondations, feux de forêt…) sur les simulateurs du SECOAS permet d’adopter les bons réflexes pour répondre à la première partie de la Marche générale des opérations, la reconnaissance. J’ai beaucoup apprécié la mixité du groupe. Travailler de concert et partager des expériences avec des SPP, SPV, pompiers militaires des UIISC, ainsi que des civils appartenant à un syndicat de gestion des rivières est une grande richesse. Être formé par des pilotes professionnels, passionnés d’aviation, mais avant tout sapeurs-pompiers, permet de relier chaque cours à des situations opérationnelles. La formation m’a apporté les clés pour occuper les fonctions de télépilote SP, et l’expertise pour accompagner la création d’un service drone au sein de mon Sdis d’appartenance. »
Des règles précises et incontournables
Le commandant Éric Rodriguez, du Sdis 13, référent national drone auprès de la DGSCGC, a sensibilisé les futurs télépilotes à la réglementation spécifique des drones. Un chapitre important, puisqu’en ce domaine, beaucoup de confusions ou de lectures erronées des textes officiels – notamment du décret de décembre 2015 – avaient laissé imaginer que les organismes de sécurité, dont les SP, pouvaient se soustraire aux règles de la DGAC, voire se passer de diplôme… Une harmonisation au sein des Sdis, des bonnes pratiques semblaient donc nécessaires. Il ne faut pas oublier que le drone est un aéronef évoluant dans un espace aérien déjà occupé par des aéronefs habités qui, ne voyant pas les drones, sont bien incapables de les éviter. Une collision pourrait avoir des conséquences dramatiques.Il convient donc de respecter trois règles essentielles dans l’engagement des drones : légalité, régularité, sécurité ! Une responsabilité incombant à la fois à l’opérateur et à l’officier de liaison aéroterrestre.
Le SECOAS, une plus-value pratique
Parmi les points forts de cette première formation, le plus notable était sans nul doute la partie pratique organisée en trois ateliers, avec au programme apprentissage du pilotage sur simulateur, vols réels en intérieur ou à l’extérieur et simulations de missions sur simulateur thématique. Afin de coller à la réalité des missions opérationnelles que les télépilotes sapeurs-pompiers peuvent rencontrer, l’équipe pédagogique de l’ECASC a développé des scénarios de simulation plus vrais que nature. Grâce à l’expérience de Florian Pradelle et de Gwenaël Le Natur, les deux « géo trouve-tout » du CESIR et du SECOAS, les stagiaires ont eu à remplir des missions virtuelles de reconnaissance au service du COS sur des scénarios d’interventions telles qu’un attentat en milieu urbain, un feu de forêt, une inondation ou un tremblement de terre. Après un vol de reconnaissance et d’évaluation, d’une durée équivalente à l’autonomie en vol de leur drone, les élèves pilotes répartis en binômes devaient rendre compte au commandant Biscay, qui jouait le rôle du COS, sur le modèle « je suis, je vois, je fais », afin de donner le plus grand nombre d’informations utiles aux secours : nature et lieu de l’intervention, nombre de victimes, accès des secours, etc. La finalité de ces exercices était de développer la stratégie opérationnelle à mettre en œuvre avec un drone, pour utiliser de manière optimale les capacités de ce fabuleux outil en matière de renseignement, d’évaluation opérationnelle et de communication.En observant les résultats obtenus par les stagiaires à l’examen théorique et l’engouement qu’elle a suscité, on peut dire que cette première formation est un succès. L’ECASC et son outil de formation, le SECOAS, ont beaucoup de choses à apporter au développement du vecteur aérien drone, tant dans le domaine de la formation des futurs télépilotes et OLAT (officier de liaison aéroterrestre), que dans le conseil aux Sdis pour la veille technologique en ce qui concerne le matériel ou la constitution des équipes drone.
Texte et photos Pascal rossignol