Atraksis: innover dans le management
[MAG] Le management de la ressource humaine des sapeurs-pompiers était à l’honneur au Congrès national des sapeurs-pompiers. L’innovation managériale sous les traits d’Atraksis érige l’intelligence collective comme piste d’avenir.
Tout commence devant la machine à café d’une caserne lambda. Trois sapeurs- pompiers y mettent en scène leurs préoccupations quotidiennes.Sans filtre mais avec un vrai café, ils discutent sans tabous de la filière «destructrice», des «collègues pros de plus en plus nombreux à partir, par manque de perspective» ou encore de «l’épée de Damoclès de la directive européenne».
Dans la distribution des rôles, l’un des sapeurs-pompiers cherche à motiver ses deux collègues, dépités et résignés, à se rendre au congrès «pour obtenir des réponses à leurs questions et prendre leurs destins en main».
La question qu’ils se posent:Comment peuvent-ils être « une génération sacrifiée» malgré leur capacité royale d’adaptabilité en intervention? Une chose est sûre, une évolution du mode de management et des profils de carrière en s’appuyant enfin sur la diversité de leur profession est impérative. «C’est comme si on avait le dernier ordinateur mais qu’on ne l’utilisait qu’à 3% !»
A la fin, les deux pompiers acceptent évidemment de se rendre au congrès. C’est Grégory Allione, qui se lance et réagit le premier à cette scénette qui met les pieds dans le plat du débat. Le vice-président de la fédération reconnaît que les directeurs de Sdis et les chefs de centres, managers de proximité, créent parfois de l’aigreur chez leurs sapeurs-pompiers professionnels en mettant en avant la diversité des statuts, au détriment de leur avancement. «Les autorités locales doivent se mobiliser car là où ça se fait, des solutions sont trouvées».
Des solutions justement «cette» sapeur-pompier du Sdis de l’Oise en cherche et pose la question: «On parle de compétences inexploitées, de diversité mais, concrètement, qu’est-ce qu’on fait? Qu’est-ce qu’il est prévu pour faire émerger des compétences particulières?»
La transition est toute trouvée pour accueillir sur scène Thibaut Reffay et Julien Fischer du Sdis de Seine-et-Marne.
«Il faut arriver avant les livreurs de pizzas!»
Pour Thibaut Reffay, adjoint au chef du centre d’incendie et de secours (CIS) de Melun (77), il ne fait aucun doute qu’il faut favoriser la diversité et rendre plus attractif les métiers de services d’incendie et de secours. C’est pour cela qu’il a créé l’association Atraksis en 2017, à l’initiative de plusieurs officiers de sapeurs-pompiers. «Cette prise de conscience des changements profonds induit donc de revoir les pratiques managériales et organisationnelles, au risque d’être hors sol.»
Pour appuyer cette nécessité de changement, Thibaut Reffay cite un haut fonctionnaire qu’il a entendu dire ceci : «Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où les livreurs de pizzas arrivent avant les forces de police et la gendarmerie.» Une phrase volontairement choc en guise d’introduction pour favoriser cette prise de conscience qui passe par l’appropriation de nouveaux concepts comme le recours à l’intelligence artificielle ou encore l’intelligence collective.
Cette dernière est un concept simple et transparent qui permet de résoudre des problèmes complexes grâce à ces capacités intellectuelles et cognitives d’un collectif.
Mais encore faut-il savoir qu’elles existent… Car on assiste aujourd’hui à une explosion de ces dernières: big data, informatique, télémédecine, économie, chronobiologie, sociologie… et toutes celles encore à venir sur des sujets naissants. «Plus nous serons perçus comme une organisation innovante par les jeunes, plus nous serons attractifs.»
« Combien d’idées restées à la machine à café… »
C’est au tour de Julien Fischer d’appuyer ces changements managériaux par des exemples concrets qui traduisent les quatre piliers fondamentaux. C’est le cas de la création d’espaces d’expression comme Wik’innovation par la gendarmerie nationale, une plate-forme collaborative dédiée aux innovateurs, sans distinction de grades
« Le gendarme, premier artisan de sa modernisation », sur le site de la gendarmerie
«Cela fait 15 ans que je suis pompier, combien d’idées sont restées à la machine à café !» Autre pilier, les espaces de liberté car «c’est bien beau de vouloir innover mais il faut du temps». Et quand on laisse le temps aux gens de s’exprimer, ils en sont capables.
La preuve avec le Med’pack, l’innovation lauréate du concours Lépine 2018 du sergent-chef Mercier
Présentation en vidéo du Med’pack par la BSPP
ou encore la balise de localisation et de signalisation imaginée par Alexandre Defromont, SPP à Salon-de-Provence (13) pendant ses interventions.
« Le Concours Lépine 2017 récompense une balise facilitant les secours », sur le site du Monde
Pour Julien Fischer, «laisser les gens s’exprimer permet aussi de lutter contre la frustration dans nos casernes.» Mais cela sous-entend d’accepter aussi le droit à l’erreur qui peut aussi présenter des avantages. Un cas emblématique du droit à l’erreur qui mène au succès ? Le laboratoire Pfizer qui, en cherchant un médicament pour soigner l’angine de poitrine, a créé le viagra…
Afin de donner un avenir à l’innovation et l’intelligence collective, deux préalables impératifs: la diversité et le portage institutionnel. Grégory Allione applaudit et félicite Atraksis d’avoir pris son bâton de pèlerin. «La position de la fédération est claire: nous sommes convaincus que notre métier est fait de diversité qui mène à la performance. Aujourd’hui, ce n’est plus le temps des maîtres-penseurs tout en haut, on doit générer des espaces d’expression et de liberté et reconnaître le droit à l’erreur du patron.»
Fort de ce souffle innovant, place à l’intelligence collective!
Terxte :Julie Niel-Villemin
Photos : Stéphane Gautier