Incendie du musée national de Rio de Janeiro: des trésors historiques disparaissent
Dimanche 13 septembre 2018, dans le ciel de Rio de Janeiro (Brésil) virevoltent des manuscrits inestimables à demi-calcinés, tombant sur les toits et dans les jardins. Ils ont été arrachés à l’incendie qui ravage depuis 19h30 le Musée national… Retour sur l'intervention des sapeurs-pompiers brésiliens et les mises en garde à tirer de ce type de sinistre.
Le Musée national de Rio de Janeiro (Brésil), construit en 1818, abrite sur trois niveaux – et plus de 5.000 m² –, 20 millions de pièces de géologie, d’archéologie, de paléontologie, de botanique… faisant de lui le 5e musée au monde dans ces domaines.
L’alerte « feu » est donnée vers 19h30 ; des flammes apparaissant au niveau du 2e étage et des combles vers la partie centrale de l’édifice.
Le bâtiment vient d’être fermé et les quatre vigiles assurant le gardiennage parviennent à quitter les lieux. Le centre de secours est à moins de 300 mètres.
Le premier engin se présente dans un délai très court. Il trouve un feu déjà très développé qui, après avoir embrasé les combles, entame le processus habituel de descente par effondrement des charpentes et planchers vers les étages inférieurs. Entouré d’un parc, l’incendie ne présente pas de risque de propagation aux tiers.Les deux premiers poteaux d’incendie sont indisponibles.
Il faut alimenter le dispositif à partir de camions-citernes de 30.000 litres et de points d’aspiration dans deux pièces d’eau distantes de 120 et 350 mètres (6.000 et 11.000 m3).
Le dispositif n’est structuré que vers 23h30
Le colonel Roberto Robadey, commandant des opérations de secours (COS), estime à 40 minutes le retard à l’attaque dans ces conditions. Ce n’est que vers 23h30 que le dispositif est structuré. Mais dans un édifice à grande proportion d’éléments de bois, dépourvu de portes coupe-feu, l'incendie saute de salle en salle, entraînant les objets d’art vers le rez-de-chaussée dans des effondrements assez catastrophiques.
La lutte par l’intérieur contre ce type de feu est périlleuse car les sapeurs-pompiers sont soumis aux chutes de matériaux provenant du sommet des escaliers et des plafonds. L’incendie se généralisant, la lutte se reportera à l’extérieur, de plain-pied et à partir d’échelles.Deux faces au fort dénivelé sont toutefois inaccessibles aux moyens aériens. La rapidité de développement du feu et la rareté des zones permettant l’établissement de lignes d’arrêt conduira à la destruction quasi-complète du musée au cours de la nuit. Durant les opérations de lutte, les sapeurs-pompiers, guidés par les experts et scientifiques accourus, vont arracher des centaines d’objets au bâtiment. On estime ainsi à 10 % la proportion d’objets sauvés.
Avis d'expert
Stéphane Ceccaldi, expert Patrimoine Sdis 78 et 2A : « L’incendie du musée de Rio représente une perte majeure, tant pour le patrimoine brésilien que pour la communauté scientifique internationale.
Au-delà de la destruction quasi-totale des collections ethnographiques irremplaçables concernant l’art et les civilisations anciennes du Brésil, le musée sinistré conservait des collections uniques de faune et de flore qui seront impossibles à reconstituer en raison de la disparition de certaines espèces, sans oublier les archives de toutes les recherches scientifiques et ethnographiques depuis 200 ans, dont nombre de supports n’étaient pas numérisés. Le traumatisme s’étend bien au-delà de la simple communauté des chercheurs.
Ce type de catastrophe entraîne aussi une réelle prise de conscience de la population qui perçoit la perte d’un pan entier de toute une identité nationale.
Les raisons du sinistre seront longues et difficiles à identifier en raison de l’état de ruines des bâtiments, mais la vétusté des installations électriques, souvent rappelée par les dirigeants du musée, l’absence de tout système de détection incendie et la non-alimentation du réseau hydraulique pour cause de fuites récurrentes ont aggravé une situation difficile dès le départ.
Si une telle catastrophe peut arriver en Europe et concerner certains de nos sites historiques, les réglementations permettent d’envisager une atténuation quant à l’ampleur d’un éventuel sinistre.
Par ailleurs, de nombreuses mesures en matière de prévision ainsi que des préconisations des instances culturelles nationales ont, depuis plusieurs années, conduit les grands sites culturels à se préparer à un événement d’ampleur, notamment par la rédaction de plans de priorisation quant à l’évacuation des œuvres majeures ou par la mise en place de mesures constructives spécifiques et de manœuvres conjointes avec les services de secours publics.
Rio est en soi un signal d’alerte qui nous rappelle que le "risque 0” n’existe pas et que l’anticipation est primordiale, tout en gardant une part d’adaptation incontournable au moment du sinistre ».
Propos recueillis par Pauline Catalan
Indignation entraînée par ce sinistre
Vers 2 heures, lundi 14 septembre, le feu est sous contrôle, mais de multiples foyers éclairent encore les ruines de l’édifice. Au matin, les responsables du musée et du ministère des Affaires culturelles du pays se rendent sur les lieux, où ils sont accueillis sous les huées, tant l’abandon de ce musée, par manque de crédits, était décrié.
Quatre-vingts sapeurs-pompiers, originaires de 12 compagnies, et 21 engins auront été engagés. Mais attention, la phase active d’un feu de musée ne prend pas fin avec l’extinction des dernières flammes...
Lorsque les façades seront sécurisées, un minutieux déblai sera entrepris, sous la direction d’experts et de scientifiques permettant, dans l’amas de décombres, d’extraire des pièces à sauver. Un véritable « PMA pour objets d’art » sera alors établi, où les pièces seront triées et orientées selon l’ampleur de la restauration à effectuer.
Les travaux de mise à niveau de la sécurité incendie étaient programmés, mais le feu a pris de vitesse les intervenants.
L’origine du feu, qui se situe au niveau des combles ou du 2e étage, est inconnue, mais l’on soupçonne la chute d’une « montgolfière » sur le toit, – objet lumineux emporté par la chaleur d’une bougie, très prisé au Brésil, au point d’entraîner une lourde amende et de un à trois ans de prison par les risques de feu qu’entraîne son utilisation !
Mais infiltrations d’eau et fils électriques dénudés sont aussi évoqués.
Trois jours après l’incendie, face à l’indignation suscitée par ce sinistre, le gouvernement brésilien lance un vaste plan de 6 millions d’euros visant à améliorer la sécurité incendie dans les 500 musées administrés par l’État.
Pour l’anecdote, dans le hall du musée sinistré, émergeant des décombres, trône encore, sur un piédestal, une météorite de 5 tonnes. Intacte. Elle en a vu d’autres lors de sa rentrée dans l’atmosphère !
Texte le lt-colonel (rc) René Dosne